lundi 7 mai 2012

En Grèce, le chaos politique ravive le spectre de la faillite


Les Grecs ont massivement rejeté dimanche la politique d'austérité exigée par l'UE et le FMI en échange de l'aide versée au pays. Ils ont élu deuxième force politique du pays un parti de la gauche radicale. La formation d'un gouvernement de coalition semble impossible. La faillite menace de nouveau la péninsule.

La Bourse d'Athènes a dégringolé de 7,6% lundi 7 mai, au lendemain d'élections législatives qui ont lourdement sanctionné les deux partis pro-austérité et envoyé pour la première fois des néonazis au Parlement.
La Bourse d'Athènes a dégringolé de 7,6% lundi 7 mai, au lendemain d'élections législatives qui ont lourdement sanctionné les deux partis pro-austérité et envoyé pour la première fois des néonazis au Parlement.
REUTERS/Yorgos Karahalis
Le véritable choc politique en Europe n'a pas eu lieu en France, mais en Grèce. Ce n'est pas l'élection du socialiste François Hollande à la présidence de la République française qui a inquiété les marchés lundi, mais les résultats des élections législatives grecques qui se sont déroulées dimanche 6 mai. Elections qui se sont traduites par un recul historique des deux principaux partis politiques du pays et par une poussée des partis extrémistes. Ce vote ravive les interrogations concernant l'avenir du pays dans la zone euro et pose la question du bien-fondé des programmes d'austérité imposés par l'Europe aux pays que la crise de la dettea plongés dans la tourmente.
Qui a remporté ces législatives?
Les deux partis pro-austérité, la Nouvelle-Démocratie (droite) et le Pasok (socialiste), ont été désavoués. Ils ont enregistré hier leurs pires scores électoraux dans l'histoire de la Grèce démocratique contemporaine, depuis la chute du régime des colonels en 1974. Ils ont recueilli 32% des voix contre 77,4% en 2009, soit 18,8% et 108 sièges pour ND et 13,2% des voix soit 41 sièges pour le Pasok. A eux deux, ils ne rassemblent que 149 sièges sur les 300 du Parlement, sous la majorité absolue. Les deux grands gagnants du scrutin sont la formation de gauche radicale, Syriza, qui devient la deuxième force politique du pays avec 16,5 % des voix soit 52 sièges, et le parti néonazi Aube dorée (6,9% soit 21 sièges), qui fait une entrée en force au Parlement.
En Grèce, le chaos politique ravive le spectre de la faillite
Alexis Tspiras, chef du parti de gauche radicale Syriza, célèbre sa victoire à Athènes le 6 mai. Son parti a créé la surprise en obtenant un score de 16,5% des suffrages aux élections législatives, soit 52 sièges au Parlement, contre 4,6% aux législatives en 2009.
REUTERS/EUROKINISSI
Comment comprendre ce vote?
Les électeurs grecs ont clairement rejeté la politique d'austérité exigée par l'UE et le FMI en échange de l'aide versée au pays, politique menée depuis novembre par un gouvernement de coalition ND-Pasok. Les cinq partis opposés à un accroissement de l'austérité ont ainsi raflé 151 sièges sur 300. "Les Grecs n'en peuvent plus! Depuis deux ans et demi, ils subissent des politiques d'austérité qui ont réduit de 50% leur niveau de vie, ils ont souffert comme personne ne peut l'imaginer, explique Elena Panaritis, ancienne membre du Pasok et fondatrice de la société de conseil Panel Group. Le peuple grec ne voit pas le bout du tunnel et rejette la faute sur l'austérité et les partis de gouvernement." En 2012, la Grèce devrait connaître sa cinquième année de récession consécutive (-5% après -7% en 2011). Elle ne devrait pas renouer avec la croissance avant 2014, selon le FMI. Selon les calculs de l'OCDE, la rigueur budgétaire aurait déjà coûté 3,5 points de croissance en 2010 et 2,5 points en 2011. Mais ces chiffres sont sans doute sous-estimés. Le taux de chômage dépasse les 21%, un record. Plus d'un tiers de la population est au bord de la pauvreté ou de l'exclusion. Voilàpourquoi les Grecs n'en peuvent plus et ont voté contre l'austérité.
Qui va désormais gouverner le pays?
C'est là où le bât blesse. Le leader de Nouvelle-Démocratie, le conservateur Antonis Samaras, s'est vu confier aujourd'hui par le chef de l'Etat grec un mandat pour former un gouvernement de coalition. Samaras a trois jours pour former son cabinet, qui ne pourra se réaliser qu'avec la coopération d'au moins deux autres partis. Car même avec les socialistes du Pasok, les deux partis n'obtiennent pas la majorité au Parlement. Le leader de la Gauche démocratique (GD), parti de gauche modérée arrivé en septième position avec 6,1% des suffrages, a d'ores et déjà annoncé que sa formation ne participerait pas à une coalition avec ND et le Pasok. Tout repose donc sur Syriza, désormais la deuxième force politique du pays. Or le parti de la gauche exclut une coalition avec la droite pro-rigueur - Nouvelle-Démocratie. Si Samaras échoue, le mandat de former un gouvernement reviendra à Alexis Tsipras, le leader de Syriza, puis à Evangélos Venizélos, le chef du Pasok. L'équation restera dans tous les cas inchangée, car les partis de gauche n'ont pas non plus la majorité.
Que se passera-t-il si la Grèce rejette l'austérité?
Si aucun accord de gouvernement n'intervient au terme du processus de négociations, de nouvelles élections pourraient être convoquées dès le mois prochain. Un agenda politique qui est difficilement compatible avec l'agenda de consolidation budgétaire fixé par l'UE et le FMI. D'ici à juin, le nouvel exécutif est en effet censé de nouvelles coupes budgétaires, d'un montant d'environ 11,5 milliards d'euros. Une baisse des salaires des fonctionnaires et des retraites est à prévoir. 150 000 postes de fonctionnaires doivent être supprimés d'ici 5 ans. Or si de nouvelles élections ont lieu, les partis extrémistes pourraient encore monter en puissance, estime Elena Panaritis. Et empêcher le vote de nouvelles mesures d'austérité. L'Europe et le FMI pourraient dès lors refuser de verser à la Grèce les prêts qui lui sont nécessaires pour continuer à rembourser sa dette et à payer ses fonctionnaires. En juin, le pays est censé recevoir une tranche d'environ 30 milliards d'euros de nouveaux prêts. S'il ne les reçoit pas, il fera défaut sur sa dette et sera en faillite. Une sortie de la zone euro pourrait s'en suivre. "C'est le scénario du pire qui risque de se réaliser , tant pour la Grèce que pour la zone euro, explique Patrice Gautry, chef économiste d'Union Bancaire Privée. La Grèce, qui ne peut plus se financer sur les marchés, verrait son déficit commercial se creuser en cas de sorite de la zone euro, son inflation augmenter et le pouvoir d'achat de ses citoyens se dégrader. Quant à l'argent prêté depuis deux ans par le FMI et l'Europe [environ 400 milliards d'euros], il serait définitivement perdu en cas de faillite grecque . Sans compter que cela créerait un précédent en zone euro et que les autres pays fragiles - Portugal, Espagne, Irlande, Italie et voire même la France - seraient alors attaqués par les marchés. Ce serait la fin de la zone euro."

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