mardi 8 mai 2012

FRANÇOIS HOLLANDE. DANS LES COULISSES DE LA VICTOIRE


A21 h 40, François Hollande invite Valérie à le rejoindre sur l’estrade dressée place de la Cathédrale, à Tulle. Ils esquissent un pas de danse sur l’air de « La vie en rose ». « Au revoir la Corrèze ! lance le tout nouveau président au millier de personnes réunies devant lui. La vie est belle ce soir...» Quelques instants plus tard, il remonte dans la Renault Scénic du conseil général, escortée de six motards. Il va rejoindre l’aéroport de Brive pour rallier Paris et la Bastille, où la fête a déjà commencé. Valérie, longue veste de toile beige, pantalon noir et chemisier clair, est assise à ses côtés. François Hollande porte une veste bleu profond. Le costume présidentiel, que d’aucuns jugeaient trop large pour ses épaules, lui sied parfaitement. Bien avant l’élection, il s’était transformé en président : voix, allure, tout y était. Sauf le titre. A Hombourg-Haut, en Moselle, trois jours plus tôt, on sentait ce changement. « J’ai l’impression de protéger le Messie. Tous les gens pleurent, je n’ai jamais vu ça », témoigne un officier de sécurité, qui a pourtant assuré la protection du Pape à Lourdes. François Hollande a promis qu’il ne changerait pas. Sur le marché de Tulle, samedi matin, un homme lui a confié : « J’ai le cœur qui bat, François ! On dit encore “François”, mais demain ce sera le président. On va avoir du mal. » Hollande assure : « Mais non, ce sera toujours “François” ! »
A 10 h 20, ce dimanche matin, François Hollande s’est rendu au bureau de vote numéro 9. Il a pris les deux bulletins de vote, s’est glissé dans l’isoloir. Il est tendu, visage fermé : « Ça va être une longue journée. Je ne sais pas si ce sera une belle journée... On verra ce soir comment ça se termine ou comment ça commence. Mais rien ne s’achève, tout se transforme. » Claude Manoux, le prof de maths qui l’avait accueilli il y a trente ans, lorsqu’il est arrivé à Ussel, est venu le saluer. François Hollande n’a que des amis ici. Sous la pluie battante, toujours accompagné de Valérie dans sa Scénic, le candidat entame ensuite une tournée des autres bureaux de vote. Il en enchaînera neuf. « Rien que dans l’attitude des gens, le regard, il sait si ça va être bon », assure Jacques Spindler, chargé de la communication au département. A l’école Joliot-Curie, un habitant lui tend un bouquet de muguet porte-bonheur, qu’il offre à Valérie. Pour elle, la tournée des bureaux se transforme en séance de dédicaces. Elle signe simplement « Valérie ». Les Tullistes n’hésitent pas à la héler ou à venir l’embrasser. Elle aussi entre progressivement dans sa tenue de première dame. A Laguenne, un village à quelques kilomètres, François et elle trinquent avec une quarantaine de militants au premier étage de la mairie. « C’est magnifique », s’exclame le candidat, jamais avare de compliments, devant la table dressée par les épouses des élus.

UN OFFICIER DE SÉCURITÉ DU NOUVEAU PRÉSIDENT : “J’AI L’IMPRESSION DEPROTÉGER LE MESSIE. TOUS LES GENS PLEURENT, JE N’AI JAMAIS VU ÇA !”

14 h 20. François Hollande salue Jean Poumier, dit Jeannot, le patron du Central, un restaurant de Tulle. Il rejoint ses invités. Ils sont seize à assister au dernier déjeuner du candidat : Valérie est à sa droite, Aquilino Morelle, le directeur adjoint de sa campagne, à sa gauche. Il y a aussi le maire de la préfecture corrézienne, Bernard Combes, Karim Maatoug, son directeur de cabinet au conseil général, Laurent Binet, qui écrit un livre sur la campagne, le cinéaste Djamel Bensalah, d’autres encore... Au menu : terrine de canard et asperges, filet de bœuf et pommes de terre. Vivi, la serveuse qu’il connaît bien, apporte un fraisier en dessert. Olivier Faure, responsable des enquêtes d’opinion dans son staff, lui a donné des résultats qui se confirment les uns les autres. Tous les instituts indiquent qu’il l’emporterait. Il donne à sa plume, Aquilino Morelle, le signal pour commencer à préparer son discours. Au centre culturel et social où il était censé prononcer un bref discours en cas de défaite, son staff s’apprête déjà à démonter le pupitre.
18 h 30. Il se rend à son bureau du conseil général. Valérie a souhaité le moins de monde possible avec eux. Elle espérait ces quelques instants en tête à tête. « C’est quand même un bouleversement dans notre vie. Un jour extraordinaire, qu’il attend depuis au moins trente ans... »
20 heures. Sur la télévision de son bureau, François Hollande voit apparaître son visage. Il est installé dans un canapé, avec une vingtaine de conseillers généraux qui ­explosent de joie. Mais lui est tout en retenue. Ses yeux sont embués, mais il ne verse pas une larme. Sur la place, les ­Tullistes, eux, crient de bonheur. Cornes de brume, ­fumigènes, applaudissements, la foule est en liesse malgré la pluie qui redouble.
A 20 h 10, le nouveau chef de l’Etat reçoit un appel de Nicolas Sarkozy. Dans son entourage, le bruissement des questions redouble. Qui sera Premier ministre ? Quand le président le nommera-t-il ? Que va-t-il faire cette semaine ? « Un quinquennat se joue dans les jours, voire les heures qui suivent l’élection », confie Aquilino Morelle. « L’état de grâce durera deux heures », prédit un autre membre de son équipe. François Hollande a annoncé qu’il serait à son bureau, au QG, dès lundi matin. Peut-être s’accordera-t-il néanmoins une journée de repos. « Il faut qu’on fasse un break, au moins trente-six heures », glissait Valérie avant le scrutin.

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