Et si le Président sortant avait perdu dès le soir de son élection, le 6 mai 2007 au soir, vers 21 heures 15, en entrant au Fouquet’s…
Mots-clés : Nicolas Sarkozy, défaite, président, chef de l'Etat, Fouquet's, Présidentielle 2012
Candidat sortant devenu Président sorti, Nicolas Sarkozy a-t-il jamais été vraiment chef de l’Etat ? Au moment où l’intéressé confirme qu’il entend abandonner la politique active et qu’il ne briguera en aucune manière la reconquête du siège perdu dimanche au fond des urnes, il est temps de se poser la question. Attention, Nicolas Sarkozy a, bien entendu, été un Président de la République parfaitement légitime, élu en 2007 dans des conditions irréprochables, et qui a exercé la plénitude de son mandat cinq ans durant en respectant toutes les règles démocratiques. Mais pour autant, a-t-il vraiment été chef de l’Etat ? Chef, assurément, mais l’Etat, avec tout ce que ce concept signifie de pompe désuète et de majesté, de consensus républicain et de rassemblement de la Nation, l’Etat donc, l’a-t-il bien représenté ? A-t-il même tout simplement cherché à l’incarner ? Tel est le drame du mandat qui s’achève, la tragédie qui en a scellé le sort dès l’aube du quinquennat.
En fait, Nicolas Sarkozy a perdu l’élection de 2012... le 6 mai 2007 au soir. Il l’a perdu très exactement à 21 heures 15, en pénétrant dans le restaurant du Fouquet’s, sur les Champs-Elysées. En rejoignant une batterie de grandes fortunes amies et de patrons du CAC 40 pour célébrer sa victoire, le nouvel élu brisait d’entrée la filiation supposée lui faire prendre place dans le lignage de ces monarques républicains que nous donne l’élection du Président au suffrage universel. Il choisissait la fête en communion avec des intérêts privés et puissants plutôt que le respect de l’étiquette républicaine, c’en était fini de ce Président… qui ne le serait jamais vraiment aux yeux de ses sujets.
Trop tard...
De "Paloma" en "Epad", de joggings médiatisés en "Casse-toi pauv’ con !’ ", la suite ne fut qu’une longue série de rechutes sur fond d’une quête impossible : celle d’une "re-présidentialisation" aux allures de mythe de Sisyphe. Chef de camp, parfois de clan, et toujours des siens, le conflit fut son carburant et l’incita à monter les uns contre les autres, les Français d’origine étrangère à "ceux qui aiment vraiment la France", les "vrais" travailleurs du privé au "corporatisme" des syndicats, sans jamais parvenir à se hisser au rang de "Président de tous les Français".
Il est de coutume d’observer que François Mitterrand sut affecter ce profil de sage élyséen à l’instant même de son élection, le 10 mai 1981, et que son successeur, Jacques Chirac, sut s’élever à cette hauteur de vues lorsqu’il prononça l’éloge funèbre de l’ancien Président socialiste un soir de janvier 1996 à la télévision.
Jamais cinq années durant, Nicolas Sarkozy ne parvint à être vraiment à l’aise dans ce costume-là, sauf peut-être, ultime paradoxe, lors de ce dernier discours de vaincu, dimanche soir, à la Mutualité. Là, l’exacerbation narcissique mise à part ("Moi, je", "moi, je" , etc), Nicolas Sarkozy a pour l’une des rares fois de son mandat su trouver des accents justes pour vanter le rassemblement, la Nation apaisée et le respect de l’adversaire. Trop tard.
Le bon candidat ?
À peine élu, Nicolas Sarkozy confiait volontiers qu’il "faisait" Président en attendant d’aller "faire" autre chose. C’était au début de l’année 2008. Moins d’un an après son entrée à l’Elysée, le chef de l’Etat parlait de sa charge comme d’un boulot comme un autre, presque un job ordinaire. A l’époque, ce drôle de Président qui se voulait à la fois manager et DRH répétait qu’il ne se représenterait pas en 2012 et qu’il irait "faire du fric" à l’issue d’un seul mandat. En attendant, donc, d’aller goûter aux délices du privé, Nicolas Sarkozy s’efforçait de "faire" Président…
Et bien non, justement, telle est la vraie cause de défaite : l’ancien maire de Neuilly n’a jamais fait Président, au sens où il n’a pas été perçu comme "Président de tous les Français" par nombre de ceux qui n’avaient pas voté pour lui. La République, son histoire, ses us et coutumes, est plus forte que ceux qui la représente. Elle s’impose au tempérament de ceux qui, simples locataires de l’Elysée, ont en main sa destinée pour quelques années. A l’issue de ce scrutin dont l’issue démontre que le rejet du chef de l’Etat, de son style et de ses outrances, fut l’un des moteurs déterminants, on comprend que l’intéressé se contente de stigmatiser une soi-disant hystérie anti-sarkozyste dont il aurait été victime sans s’interroger sur ses responsabilités propres. Lorsque le deuil de son ex-champion sera achevé, viendra pour l’UMP le temps de se poser une autre question, tout aussi cruciale : au vu d’un rapport de forces électoral plutôt serré, Nicolas Sarkozy était-il le bon candidat pour tenter de conserver à la droite un costume présidentiel qu’il n’avait pas réussi à endosser ?
Renaud Dély - Le Nouvel Observateur
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