mardi 8 mai 2012

« Il est proche de nous, on est proches de lui »


François Hollande à Tulle le 5 mai 2012, la veille du second tour des élections présidentielles.
François Hollande à Tulle le 5 mai 2012, la veille du second tour des élections présidentielles. (Photo Sébastien Calvet pour Libération)

REPORTAGE A la veille du scrutin présidentiel, le candidat socialiste s'est offert un bain de foule dans son fief de Tulle, où chacun le connaît.

Par MATTHIEU ECOIFFIER envoyé spécial à Tulle
Samedi midi, des nuages avant-coureurs d’orage brisent le soleil de Corrèze. A l’entrée du marché, quelques dizaines d’habitants de Tulle attendent « François » le tulliste, l’ancien maire et toujours député et président du Conseil général de Corrèze. Celui qu’ils connaissent depuis 30 ans et qu’il veulent garder pour eux encore 24 heures.
De la place de la Cathédrale à quelques dizaines de mètres de là résonnent les coups de marteaux des agents qui montent l’estrade et le petit chapiteau blanc d’où François Hollande devrait prononcer sa première adresse de Président, demain soir en cas de victoire. «S’il est élu, il fait sa déclaration officielle et après il file à Paris, faut bien qu’on le prête un peu » explique Sophie Dessus la maire d’Uzerche (surnommée dans le pays « la blonde de Chirac » depuis qu’elle a distrait l’ancien président lors d’une cérémonie officielle, sous l’oeil courroucé de Bernadette Chirac, ndlr). 

«Très bien, très gentil»

Dans la foule chacun et chacune l’a croisé. Et le raconte avec fierté et désormais une pointe de nostalgie. «Moi j’ai fait son ménage dans ses bureaux de l’avenue Victor Hugo. Je le trouve bien, très gentil » se souvient Rosa la quarantaine blonde. Maria, grands yeux noirs portugais, acquiese mais lâche : « En France, on travaille pour des fainéants. C’est dommage que Marine soit pas là ».
Un peu plus loin Christiane fait le pied de grue depuis plus d’une heure:« Ca fait plaisir. Dire que j’a joué à la pétanque avec lui »« Moi je l’ai servi pendant 15 ans à l’auberge de Tanaves. Ce qu’on lui donnait, ça allait toujours très bien », raconte Francine, la cinquantaine tardive. « L’autre jour, poursuit-elle, il m’a arrêtée et m’a fait descendre la vitre de ma voiture. Je lui ai dit: 'bon courage ». Il m’a répondu ' Il en faut.' C’est quelqu’un de très gentil ». « Et il a pris de la hauteur » ajoute, en se retournant, Geneviève, une dame au cheveux gris et au pull rouge vif. « Ah oui, il s’est étoffé », convient Francine. « Il est intelligent et cultivé, il est capable de rester simple avec les gens ordinaires et se mettre à niveau des gens importants», ajoute Geneviève, retraitée de l'éducation nationale. « Il est proche de nous, on est proche de lui » conclut Francine.

François, Robert et Ginette

Arrive enfin la Renault grand scénic beige d’où sort le candidat d’un pas confiant. Le visage souriant malgré un regard fatigué où transparaît une certaine appréhension. Qu’il secoue en s'ébrouant dans la petite foule. Les tullistes lui font la bise. Lui serrent la main. Un homme le prend par le cou: « François, j’ai le coeur qui bat. Demain on dira Monsieur le Président, mais on aura du mal » lui lance-t-il. « Mais on dira toujours François » le rassure l’interessé. Qui à chaque contact semble se recharger. « C’est 5 euros la bise et 10 euros les trois »plaisante Bernard Combes, le maire PS de Tulle.
Entre la vingtaine de journalistes et les agents du Sphp,(service de protection des hautes personnalités) le regard de Hollande balaie en permanence l’attroupement, à la recherche d’un visage familier. Sur sa gauche, resté droit et en retrait sur le trottoir, il avise Robert, dirigeant associatif .  « Elle est où Ginette? », s’enquiert immédiatement Hollande. « Elle te regarde du balcon » lui répond Robert. Hollande lève les yeux, puis un bras, en direction de l’immeuble Haussmanien de la Rue du général de Gaulle où réside ce couple d’enseignants à la retraite. Un court instant, il cherche du regard Ginette sur son balcon, à l'étage Mais il ne la voit pas. Le candidat reprend vite son bain de foule et se laisse porter par le flot d’accolades.
Et puis, quelques mètre plus loin, la voilà. Ginette est descendue le saluer. Elle lui dit : « Prenez moi dans vos bras ». Il s’exécute. « Il m’a pris dans ses bras bien serrés » raconte-t-elle, ravie. Robert est peintre à ses heures, et Ginette se dit « un peu écrivain ». Avec « François », ils en ont « fait des cabarets du Trech », cette enclave de Tulle qui est une « commune libre depuis 2 siècles où les habitants du quartier font les acteurs. Maintenant c’est une page qui se tourne»« C’est le destin de la Corrèze de produire des Présidents » rappelle Robert. Un peu à l'écart Valérie Trierweiler la compagne du candidat promène sa silhouette gracile. Et reçoit des compliments. Une dame lui dit « Qu’est-ce que vous êtes jolie. Vous serez magnifique en première dame». Une autre: « Merci d'être là pour lui ».

« I am anxious for the victory »

Et puis c’est la pluie. Sous un parapluie, le candidat socialiste se livre à son exercice favori pour la dernière fois: commenter la campagne. « C’est affectueux, j’ai besoin d'être ici car c’est ma place». « Comment être autre part et autrement? Ici je suis auprès des miens »«Je lui dois ça à cette Corrèze qui m’a tant donné ». Il parle aussi de dimanche, de la défaite ou de la victoire, de l’après. Mais la loi électorale interdit de reproduire tout commentaire politique, sous peine de faire invalider l'élection. Quand on le lui fait remarquer, le pro des medias répond que « ça pourra servir pour les papiers de lundi ». Au caméras de le BBC il déclare « I am anxious for the victory » dans la langue de Shakespeare. Que la loi électorale nous empêche ici de traduire. Allo Londres? Ici Tulle à J-1.

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